C'est l'un des empereurs favoris des
historiens chinois, car la Chine moderne lui doit beaucoup, que ce soit sur un
plan territorial, culturel ou politique.
Premièrement, parce qu'il a beaucoup
contribué à agrandir le territoire de la dynastie, particulièrement pendant la
première partie de son règne. À peine désigné empereur à 24 ans, suite au décès
prématuré de son père l'empereur Yongzheng, il s'est lancé dans une politique
de conquêtes dans l'ouest de la Chine. Après avoir vaincu le khanat des
Djungars, il en a intégré le territoire à la dynastie en une province qui
s'appellera désormais le Xinjiang. Au Tibet, il intervient pour défendre la
province contre les incessantes incursions des Gurkhas depuis le Népal voisin,
installant à Lhassa un « conseiller » représentant des Qing attaché au Dalaï
Lama. C'est sous le règne de Qianlong que la Chine atteint son extension
territoriale maximale. C'est aussi une époque où elle s'enrichit d'un grand
nombre de nouvelles ethnies.
Gérer un empire multiethnique n'a
rien de facile, car il faut sans cesse ménager les susceptibilités régionales,
reconnaître les particularités culturelles et accommoder les rivalités locales.
L'empereur Qianlong est idéalement équipé pour le comprendre, lui qui est
d'origine mandchoue et a grandi entouré de précepteurs qui lui ont enseigné
aussi le mandarin et le mongol. Adulte, il s’initie au tibétain et étudie
longuement les textes bouddhistes et la culture des montagnards mystiques de
l'Ouest. Pour exprimer l'attachement de la cour impériale aux nouvelles
régions, il fait construire dans le Palais d'été de Chengde une réplique du
palais tibétain du Potala. Au Xinjiang, il fait élever un minaret baptisé en
l'honneur d'Emin Khoja, le chef ouïgour qui préta allégeance à l'empereur Qing.
Mais c'est dans le domaine des arts
et des lettres qu'il s'est distingué tout particulièrement. Avide de rassembler
dans les collections impériales les meilleures pièces de tous les styles de
peinture et de calligraphie, il met en place une administration des trésors
impériaux, qui se voit progressivement dotée de pouvoirs de plus en plus
exorbitants. Non contents de tenir l'empereur au courant des chefs-d'œuvre mis
en vente à tel ou tel endroit, ses émissaires finissent par se livrer à une
véritable inquisition artistique, perquisitionnant les plus belles collections
privées et faisant pression sur les propriétaires de tableaux de maîtres pour
que ceux-ci en « fassent cadeau » à l'empereur en signe d'allégeance et de
respect. Les préférences artistiques de l'empereur conduisent aussi à la
destruction d'un grand nombre d'œuvres considérées comme mineures ou peu
compatibles avec sa vision de l'art. Qianlong développe un lien fusionnel avec
ses collections, à tel point qu'il n'hésite pas à annoter, à la mode des Song,
les plus précieux tableaux de remarques poétiques ou personnelles, ou même à
faire transporter certains paysages typiques sur le lieu de leur création pour
se délecter sur place de la perfection du rendu de telle montagne ou de telle
rivière.
À l'instar de nombreux autres
empereurs, Qianlong est un poète prolifique, mais peu d'autres peuvent se
targuer d'une production aussi volumineuse que la sienne : on lui attribue
quelque 40 000 poèmes en vers et près de 1 300 textes en prose. Il est vrai que
le sixième empereur de la dynastie Qing a bénéficié d'une longévité presque
incroyable pour l'époque, puisqu'il vécut 87 ans accompagné d'une santé de fer.
En 1796, conformément à une promesse faite à son grand-père Kangxi, il abdiqua
pour ne pas excéder en durée le règne de celui-ci qui s'étala sur soixante et
un ans. Bien qu'ayant renoncé au trône, il restera jusqu'à sa mort en 1799 le
patriarche et le dirigeant moral de la dynastie. Ainsi que résume Zhao Yi,
historien officiel de l'Académie impériale de Hanlin, « c'est à Qianlong que
l'on doit la paix et la prospérité du dix-huitième siècle ».
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