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vendredi 23 novembre 2018

Les guerres de l’opium en Chine


Le tournant de 1839

Lin Tse-Hou, militaire et érudit, écrit à la reine Victoria pour lui demander fermement de faire cesser le trafic d’opium qui prend des proportions considérables. En réponse, « la très pure et très chrétienne reine Victoria » fait savoir que l’Angleterre ne peut abandonner une source de revenus aussi importante.



La situation entre les deux puissances se dégrade rapidement : le 26 février 1839, Lin Tse-Hou ordonne de faire pendre un trafiquant chinois devant les représentations cantonaises des commerçants britanniques. Malgré l’hostilité d’une partie corrompue des élites chinoises, Lin tient bon et organise la lutte dans la ville et la province de Canton. Il fait arrêter 1700 trafiquants de drogue chinois et confisque 70 000 pipes d’opium. Il publie un arrêté où les marchands s’engagent à ne pas transporter d’opium et à laisser inspecter leurs bateaux. Cette tracasserie supplémentaire précède l’arrivée, en juillet 1839, des « 39 règles » dont les principales mesures irritent particulièrement le gouverneur Elliot, représentant de la couronne anglaise en Chine : peine de mort aux contrevenants, 18 mois accordés aux victimes pour désintoxication et peines appliquées aux étrangers, ce qui viole le principe d’extra-territorialité si cher aux Anglais. Après ces multiples pressions, Elliot n’a d’autres choix que d’autoriser la remise de 20 290 caisses d’opium aux autorités chinoises. Elles sont ouvertes puis avec l’aide de la population, l’opium est réduit en pâte, délayé dans de grandes cuves installées sur les plages et jeté à la mer le 7 juin 1839. Le préjudice de deux millions de livres sterling fera l’objet de vives discussions au Parlement de Londres l’année suivante.
Dans ce contexte de lutte contre la contrebande, les Anglais doivent quitter non seulement Canton mais aussi Macao. Beaucoup d’entre eux se réfugient dans des bateaux au large. Mais ils reçoivent des renforts navals et le trafic peut reprendre rapidement dans quelques îles sous la protection de l’artillerie des frégates britanniques Volage et Hyacinthe.
L’Angleterre se prépare à une guerre que l’on sait conduite essentiellement pour protéger les intérêts des trafiquants de drogue. La destruction des caisses d’opium du 7 juin 1839 fournit le prétexte attendu pour déclencher les hostilités.




Première guerre de l’opium

Le 4 septembre 1839 a lieu la première bataille navale de la guerre de l’opium dans la rade de Hong Kong. Les navires chinois sont complètement débordés par la supériorité technique de la marine anglaise. Un autre affrontement à Chuenpi, montre la faiblesse des jonques de guerre chinoise. Lin Tse-Hou interdit le port de Canton aux navires britanniques en décembre 1839, l’empereur le soutient et décide de « fermer pour toujours » Canton aux Britanniques en janvier 1840.
Sous la pression des lobbys du textile et de l’opium, avec l’accord du Parlement, le Premier ministre Palmerston envoie une lettre au gouvernement de l’Inde afin de préparer l’escadre d’un corps expéditionnaire : 16 vaisseaux de ligne, 4 canonnières, 28 navires de transport, 540 canons et 4 000 hommes. L’état final recherché est très clair : obtenir l’indemnité pour l’opium confisqué, pour le règlement de certaines dettes des marchands du Co-Hong et pour celui des frais de l’expédition, faire ouvrir les ports de la côte, Canton, Amoy, Fuzhou, Ningbo, Shanghai au commerce britannique libéré du système du Co-hong. La mission aussi : mettre en place le blocus de Canton, contrôler les embouchures du Yang-Tsê et du fleuve Jaune afin de paralyser le commerce extérieur chinois et s’emparer de Pei-Ho, aux portes de la capitale.
L’escadre arrive donc au large de Canton en juin 1840. Un croiseur britannique bombarde Canton et occupe l’archipel voisin des Chousan : le célèbre concept de « diplomatie de la canonnière » est né. Les britanniques attaquent Canton mais sans succès, car Lin a fait planter des pieux retenus par des chaînes dans le port pour empêcher les bateaux d’accoster. Une milice efficace défend la ville.
Les Britanniques conquièrent alors une île de pêcheurs devant le delta de la rivière des Perles, juste en face de Canton, nommée « port parfumé » (Hong Kong) et en font une tête de pont. Les combats commencent réellement en juillet. Les frégates Volage et Hyacinthe défont 29 navires chinois.



Les Britanniques capturent le fort qui gardait l’embouchure de la rivière des Perles. La cour chinoise prend peur, Lin Tse-Hou tombe en disgrâce. Condamné à l’exil en Lli, lugubre région de l’Ouest à la frontière Kazakh, il est remplacé par un aristocrate, Qishan. Réhabilité en 1845, Lin Tse-Hou ne sera cependant jamais devenu le Mustafa Kemal de l’Empire Chinois, capable de stopper et défaire les Européens. Des négociations s’engagent alors à Canton : Qishan fait démolir les fortifications de Lin, dissoudre la milice en novembre 1840 et réduire le nombre de soldats. Les Britanniques revendiquent la reprise du commerce, le remboursement des stocks d’opium détruits et Hong Kong pour sa position stratégique et son port en eaux profondes. Qishan refuse. Les Britanniques tentent de le faire plier en attaquant et s’emparant de quelques ouvrages de fortification. Qishan prend peur et accepte les revendications.
La cour chinoise pense que l’accord négocié par Qishan ne concerne que la reprise du commerce. Lorsqu’il apprend que les exigences des Européens vont bien au-delà, l’empereur décide de destituer Qishan et déclare la guerre aux Britanniques le 29 janvier 1841. L’empereur remplace Qishan par Yishan.
En 1841, sur le plan militaire, les Chinois subissent revers sur revers, sauf lors de l’engagement de milices. Yishan met plusieurs semaines à arriver à Canton. L’assaut qu’il lance contre les Britanniques est repoussé et les Chinois se replient à l’intérieur de la ville. Dans la province de Canton, les Britanniques se rendent vite maîtres des endroits stratégiques : fin 1841, prise de Chenhai, puis de Ningbo ; en 1842, prise de Chapu, de Wusung, de Shanghai, de Chingkiang.
Les Britanniques veulent encore faire pression sur les Chinois afin d’obtenir davantage. En août 1842, une escadre britannique remonte le Yangzi Jiang jusqu’à Nankin, obligeant le gouvernement de l’empereur Tao-kouang à capituler et à signer le traité de Nankin le 29 août 1842. Le régime mandchou panique, au moment où tombe Nankin, car sa survie est en jeu. Il dépêche des négociateurs. Yishan demande l’armistice et une convocation est signée le 27 mai 1841. Elle engage les Chinois à racheter Canton pour 6 millions de dollars aux Britanniques dont un million le jour même. Mais elle repose sur un double malentendu utilisé par les diplomates britanniques : les Chinois considèrent cette action comme un prêt commercial alors que les Britanniques n’ont renoncé ni à l’indemnisation des stocks d’opium ni à Hong Kong. Ce traité donne aux Britanniques le libre commerce de l’opium, la fin de l’obligation de négocier uniquement avec les Co-Hong et surtout la concession de l’île de Hong Kong qui ne sera rétrocédée à la Chine que 155 ans plus tard, en 1997.
La victoire facile des forces britanniques affecte gravement le prestige de la dynastie Qing et contribue au déclenchement d’une très grave révolte, la rébellion Taiping (1850-1862).





Deuxième guerre de l’opium

L’insurrection des Taiping qui fait presque basculer l’Empire, est le signe que le paysan chinois ne peut plus supporter l’insuffisance et la concentration des terres, l’accroissement des charges fiscales, la dépréciation de la monnaie cuivre qui touche durement les plus pauvres, la transformation des petits exploitants en ouvriers agricoles.
En 1854, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis contactent les autorités chinoises et demandent des révisions des traités pour pénétrer sans résistance dans Canton, étendre le commerce à la Chine du Nord et le long du fleuve Yangzi, légaliser le commerce de l’opium et traiter avec la cour directement à Beijing. La cour impériale rejette toutes les demandes de révision.
Le 8 octobre 1856, des officiers chinois abordent l’Arrow, un navire anglais enregistré à Hong Kong sous pavillon britannique, suspecté de piraterie et de trafic d’opium. Ils capturent les douze hommes d’équipage et les emprisonnent. Les Britanniques demandent officiellement la relaxe de ces marins en faisant valoir la promesse par l’empereur de la protection des navires britanniques, sans succès. Les Britanniques évoquent alors l’insulte faite au drapeau britannique par les soldats de l’Empire Qing.
Ils décident d’attaquer Canton et les forts alentours. Ye Mingchen, alors gouverneur des provinces du Guangdong et du Guangxi, ordonne aux soldats chinois en poste dans les forts de ne pas résister. Les navires de guerre américains bombardent Canton. Mais population de Canton et soldats résistent à l’attaque et forcent les assaillants à battre en retraite vers Humen. Le parlement britannique exige de la Chine réparation pour l’incident de l’Arrow et demande à la France, aux États-Unis et à la Russie de participer à une intervention multinationale. La Russie seule reste à l’écart.
Le 28 décembre 1857, les flottes combinées de l’Angleterre et de la France prennent d’assaut Canton. Le 16 mars 1858, l’amiral français Rigault de Genouilly, quitte Canton avec l’escadre pour la Chine du nord. Le 20 mai 1858, agissant de concert avec les Anglais, il s’empare des forts de Ta-Kou à l’embouchure du Peï-ho dans le Petchili avant de remonter le Peï-ho jusqu’à Tien-Tsin en direction de Pékin.
Le 24 juin 1859, les forces franco-anglaises tentent de pénétrer dans Tianjin et se font refouler. Le 17 juillet 1860, ils débarquent sur le sol chinois et prennent Tianjin le 2 septembre 1860. Le 5 octobre, anglais et français campent sous les murailles de Pékin et pillent le « Palais d’été ». Le 13 octobre, Pékin tombe. Le 17 octobre, le « Palais d’été » est incendié. Le 24 octobre 1860, la Chine capitule et signe la Convention de Pékin.



Traités et suites

Le traité de Nankin, signé en août 1842 à l’issue de la première guerre de l’opium, avait déjà accordé aux Anglais des privilèges commerciaux considérables et l’île de Hongkong.
En 1860, la Convention de Pékin fait suite à une longue liste de traités qualifiés par les Chinois de « traités inégaux ». Onze ports, dont Canton, Shanghaï, Hankou et Tianjin, sont ouverts au commerce. Les droits de douane sont limités à un maximum de 5 %. Les Occidentaux ont le droit de circuler à l’intérieur du pays et acquérir des propriétés foncières sans payer plus de 2,5 % de taxes. La Grande-Bretagne acquière la presqu’île de Kowloon en 1860 et obtient en 1898 un bail de 99 ans sur les Nouveaux Territoires (952 km² constituant 80 % du territoire Hongkongais) et sur 235 îles au large de Hongkong.
Les révoltes paysannes finiront par ébranler l’empire qui devient une république le 12 février 1912, avec l’abdication du dernier empereur de Chine, Puyi, alors âgé de six ans.
À l’exception peut-être des Incas et des Indiens d’Amérique confrontés à l’alcool, les guerres de l’opium constituent un premier « modèle » de l’action d’une substance psychotrope qui se trouve imposée par une nation à une autre. Dans les années 1900, les ravages de l’opium sont considérables puisque près de 25 millions de personnes dans le monde sur 1 milliard sont consommateurs réguliers, à comparer avec la situation en 2000 où ce sont 25 millions de personnes parmi 7 milliards qui sont dépendants des drogues.
En Chine, pillages, famines, répressions, durent un siècle, de 1840 à 1949. Les chercheurs anglo-saxons évaluent le nombre des victimes dans une fourchette oscillant entre 120 et 150 millions. L’arrivée de Mao au pouvoir, avec son effroyable bilan de 80 millions de morts, ne met pas non plus fin aux souffrances des Chinois.

169 pas

En 2009, pour marquer le début de la parade militaire à l’occasion du 60ème anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine, les gardes d’honneur effectuent exactement 169 pas sur la place Tiananmen.


Ils représentent les 169 années passées, de 1840 à 2009. « Pas à pas, les hontes de la Nation sont lavées, avec la lutte d’innombrables héros qui ont précédé notre époque » explique le Beijing News, faisant référence, entre autres, à la guerre de l’Opium. Les Chinois semblent vouloir oublier les atrocités de Mao puisqu’en 60 ans de pouvoir, le Parti Communiste « de marché » a non seulement fait de leur nation de paysans soumis et affamés, la première puissance industrielle et financière du début du XXIème siècle, mais il a aussi redonné à la Chine la fierté et la souveraineté perdue à Nankin.







samedi 17 novembre 2018

Pratique de la peau fraîche - 凉皮的制作方法




凉皮是中国西部众多地区的风味小吃,被许多人认为是陕西小吃中最受欢迎的品种。
凉皮,又称皮子、酿皮子、面皮,据说是从唐代“冷淘面”演变而来,以“白、薄、光、软、酿、香”而闻名。凉皮一年四季都可以吃到,因为“凉”,所以在夏天吃的人更多。
凉皮的种类繁多,做法各具特色,口味也不尽相同。从制作方法上可大体分为:蒸面皮、擀面皮和烙面皮。蒸面皮的主要制作方法是由面粉(将面筋洗出)或米粉加水均匀搅拌制成糊状,盛入圆形平底的金属容器,摇摆凉皮容器使面/米糊平展得铺在容器底,然后放入开水锅或蒸笼内蒸制(蒸熟后的圆形整张皮子大约0.5厘米厚,直径近1米)。随后把凉皮过凉水冷却,用近1米长、20余厘米宽的大铡刀切成宽0.5厘米至2厘米的长条(根据制作材料不同,颜色有稍许不同),调拌时可根据不同风味加入盐、醋、芝麻酱、辣椒油、面筋、黄瓜丝、豆芽、蒜汁和时令蔬菜等。

Le Liangpi est une collation dans de nombreuses régions de l'ouest de la Chine et est considéré par beaucoup comme la variété la plus populaire dans les collations du Shaanxi.
On dit que la peau fraîche, aussi connue sous le nom de cuir, de cuir rembourré, de pâte, a évolué à partir du "visage froid" de la dynastie Tang et est connue comme "blanche, fine, légère, douce, brassée et parfumée". La peau fraîche peut être mangée toute l'année, parce que "cool", donc plus de gens mangent en été.
Il existe de nombreux types de peaux froides, chacune ayant ses propres caractéristiques et ses goûts. De la méthode de production peut être grossièrement divisé en : pâte cuite à la vapeur, pâte à pétrir et peau en carton. La principale méthode de fabrication des nouilles cuites à la vapeur consiste à faire une pâte avec de la farine (lessive au gluten) ou de la farine de riz et de l’ajouter à de l’eau. Mettez-le dans une casserole d'eau bouillante ou un étuveur (la peau entière arrondie après la cuisson à la vapeur a une épaisseur d'environ 0,5 cm et un diamètre d'environ 1 centimètre). Refroidissez ensuite la peau fraîche avec de l'eau froide et coupez-la en lanières d'une largeur de 0,5 cm à 2 cm avec une faux d'environ 1 m de long et 20 cm de large (la couleur varie légèrement en fonction du matériau à produire), et la saveur peut être ajustée en fonction des goûts. Ajouter le sel, le vinaigre, la pâte de sésame, l'huile de chili, le gluten, le concombre, les germes de soja, l'ail et les légumes de saison.

jeudi 8 novembre 2018

DÉCOUVREZ LE NÜSHU, CE SYSTÈME D’ÉCRITURE CHINOIS QUE SEULES LES FEMMES COMPRENNENT


Connaissez-vous le Nüshu ? Ce système d’écriture utilisé uniquement par des femmes dans la province du Hunan en chine a disparu en 2004. Les chercheurs tentent aujourd’hui d’en apprendre plus sur l’histoire de cet alphabet : Était-il un langage secret, créé pour tenir tête aux hommes dans cette société patriarcale où les femmes n’avaient aucun droit ?

LES CHERCHEURS PENSAIENT QU’IL S’AGISSAIT D’UN LANGAGE SECRET, DONT L’UNIQUE BUT ÉTAIT DE TENIR TÊTE AUX HOMMES
Découvert dans les années 80 par des linguistes, le Nüshu est un système d’écriture créé et utilisé uniquement par des femmes. Créé certainement au XVIIIe ou au XIXe siècle, les chercheurs pensèrent au début qu’il s’agissait d’un langage secret, dont l’unique but était de tenir tête aux hommes dans une société patriarcale où la femme se devait de suivre la loi des « trois obéissances » : le père, le mari et le fils.
Hélas, seules deux personnes savaient encore lire et écrire cette langue dont Yang Huanyi, décédée en 2004, à l’âge de 98 ans, emportant avec elle de nombreux secrets qui ne seront peut-être jamais révélés.

     Région d’Hunan


QUE SAVONS-NOUS RÉELLEMENT DU NÜSHU ?

Ce que nous savons du Nüshu, nous le devons principalement à Cathy Silber, professeure à l’Université Skidmore de New York, qui travaille sur ce système depuis 1985 et ses découvertes nous ont permis d’apprendre non seulement le fonctionnement, mais aussi l’utilité de ces inscriptions. D’abord, contrairement à ce que l’on pensait au départ, le Nüshu n’est pas un langage secret, mais simplement la retranscription phonétique d’un dialecte de la région de Hunan, plus particulièrement du Comté de Jiangyong.
Ce système syllabique comprend près de 1000 symboles qui retranscrivent chacun un son du dialecte. Le Nüshu est donc beaucoup plus simple que le mandarin où l’on retranscrit les mots selon un système assez complexe. De plus, cette écriture était surnommée « l’écriture de moustique » en raison de ses formes fines, élégantes et allongées accompagnées de petits points précis.

                                Inscription en Nüshu sur un éventail



CES TEXTES ONT PERMIS AUX FEMMES DE MIEUX SE COMPRENDRE ELLES-MÊMES

S’il était lu, les hommes pouvaient donc comprendre ce qui était écrit, mais portaient assez peu d’intérêt à l’écriture. A cette époque, l’éducation était réservée aux hommes, et même lorsque les femmes ont pu accéder à ces informations à partir de la fin du XIXe siècle, seules les élites pouvaient se permettre d’apprendre à lire et à écrire. Dans cette région paysanne et reculée de la Chine, ces occupations étaient donc réservées aux femmes, comme la broderie. Justement, la majorité des inscriptions qui nous sont parvenues sont inscrites sur des tissus ou sur des éventails.

Car comme l’a appris Cathy Silber au cours de ses recherches, à leur mort, les femmes avaient pour coutume d’être enterrées avec leurs écrits emportant avec elles leurs paroles dans l’au-delà. La linguiste explique que pour elle, » Ce qu’il y a de plus intéressant à découvrir est de voir comment ces textes ont permis aux femmes de mieux se comprendre elles-mêmes. Ce système d’écriture nous apprend beaucoup sur le lien existant entre la littérature et les différents groupes qui composent une société ».




Depuis 2012, on évalue qu’environ 500 textes écrits en Nüshu ont été découverts. Poèmes ou autobiographies romancées composent l’essentiel de cette littérature. Les poèmes sont principalement des conseils donnés entre femmes, que ce soit pour l’éducation des enfants ou pour le bien-être du foyer. Ces paroles de sagesse sont encore aujourd’hui chantées, la tradition orale a en effet permis à ces paroles ancestrales de résister à l’épreuve du temps.
Les biographies quant à elles, racontent le quotidien de femmes à travers cette période. Cependant, l’aspect romancé apporte quelque chose d’unique et d’essentiel et de profondément humain, donnant une importance particulière à ces femmes oubliées de l’histoire. Il existe également de nombreuses traces de « Lettres du troisième jour », offertes aux femmes qui venaient de se marier contenant des prières, des félicitations de la famille ou de personnes proches.

LA PLACE DES FEMMES EN CHINE




Jusqu’au milieu du XXe siècle, les femmes étaient quasiment absentes de l’échelle sociale. Comme évoqué plus tôt, elles n’étaient définies que par leur père, leur mari ou leur fils. De plus, de nombreuses coutumes humiliantes ou violentes étaient mises en pratique. La plus connue étant certainement celle des pieds bandés qui consistait à mettre des bandes autour des pieds des jeunes filles dès l’âge de 5 ans, atrophiant à la longue leur extrémité.
L’objectif étant de limiter leur mouvement et les réduisant ainsi à des tâches domestiques limitées. Cette pratique, initialement réservée à l’élite et aux familles les plus hautes dans l’échelle sociale, s’est petit à petit répandue à travers les siècles à tout le pays jusqu’à être interdite en 1949.



Ainsi, un texte Nüshu parle d’une femme qui est forcée d’épouser un homme qu’elle ne connait pas et qui finit par s’enfuir le soir de la nuit de noce, en découvrant à quel point son mari est laid. Un autre raconte l’histoire d’une femme si impatiente d’épouser un homme qu’elle décide d’aller lui demander pourquoi il n’a pas encore fait sa demande.

PARMI LES MILLIERS DE SYSTÈMES D’ÉCRITURE RÉSERVÉS AUX HOMMES, NOUS AVONS LÀ UN EXEMPLE DONT NOUS SOMMES SÛRS QU’IL A TOUJOURS ÉTÉ RÉSERVÉ SEULEMENT AUX FEMMES






Cependant, la majorité des écrits sont empreints de tristesse et de résignation. Il révèle également la solidarité existant au sein de cette communauté féminine, dans laquelle certaines passaient des pactes, les liant éternellement à travers leurs écrits, sous la forme de poèmes. C’est pourquoi, certaines étaient enterrées avec leurs textes afin de recréer ce lien après leur mort. Une chose est sûre, dans la Chine patriarcale, l’écriture était une forme d’expression et d’émancipation pour les femmes soumises.

ORIGINE ET DISPARITION DU NÜSHU


L’origine exacte du Nüshu est aujourd’hui inconnue, et les chercheurs proposent de nombreuses théories pour expliquer l’apparition de ce système d’écriture. Alors que certaines trouvent des similitudes avec d’autres écritures du sud de la Chine, d’autres y voient des explications plus mystiques comme des inscriptions trouvées sur des ossements d’oracles. Une légende raconte même que cette écriture aurait été inventée au 11esiècle par la concubine d’un empereur qui racontait ses malheurs à sa famille restée à la campagne.

LA PRATIQUE DE CETTE ÉCRITURE SE TRANSMETTAIT DE MÈRE EN FILLE

Cependant, l’explication la plus courante, et le plus populaire, consiste tout simplement à expliquer que les femmes de la région ont inventé elles-mêmes cet alphabet en réponse à l’interdiction pour le sexe féminin de pouvoir apprendre à écrire. Cathy Silber explique que même si les facteurs d’origines peuvent être divers, « je dirai que l’émergence de ce genre de phénomènes est courante dans les sociétés où une ségrégation sexuelle existe. »


La pratique de cette écriture se transmettait de mère en fille mais a fini par disparaître avec le temps, la principale cause est la révolution chinoise de 1949. Les nouvelles lois liées au mariage et les réformes sociales donnèrent de plus en plus de droits aux femmes, rendant inutile l’utilisation d’un système leur étant uniquement réservé. Plus tard, lors de la révolution culturelle communiste, les autodafés se multiplièrent à travers le pays et de très nombreux ouvrages écrits en Nüshu ont été brûlés ou détruits.


Des élèves du centre Nu Shu Garden. Province d’Hunan, Chine. Juillet 2005.

Aujourd’hui, des écoles de la région tentent de raviver cette tradition en enseignant le Nüshu à l’école, rendant ainsi cette pratique mixte, pour la première fois de son histoire. Les chercheurs tentent également de compléter l’alphabet afin de découvrir l’ensemble des secrets que contiennent les textes existants dans cette langue. Cependant, cette littérature restera unique pour une raison bien précise. Comme le raconte Cathy Silber, « Parmi les milliers de systèmes d’écriture particulièrement réservés aux hommes, nous avons là un exemple dont nous sommes sûrs qu’il a toujours été réservé seulement aux femmes ».